L’énigme de la minéralité

Elle intrigue depuis des siècles. Certains y croient, d’autres nient son existence. C’est la minéralité, celle des Chablis, des vins de Loire, des rieslings et de quantité d’autres, rouges ou blancs. Des chercheurs du monde entier tentent de percer le secret d’un éventail d’arômes allant de l’iode à la pierre à fusil, en passant par la fleur de sel. D’où vient-elle ? Quelles sont ses arômes les plus fréquents et les plus typiques ? Nous faisons un tour d’horizon des arômes de minéralité présents dans le vin.

L’allumette, défaut ou minéralité ?

À proprement parler, ce que sent l’allumette, c’est le soufre. Le soufre est utilisé dans l’élaboration des vins pour ses puissants effets antioxydants et antiseptiques.

Normalement, on ne doit pas le sentir, sous quelque forme que ce soit. On ne le sent que s’il est en excès, au détriment des véritables arômes du vin.

Et c’est là que ça se corse. Des études ont montré que certains dégustateurs confondent la note soufrée avec la minéralité. Donc, cela vaut la peine de se familiariser avec cet arôme afin d’éviter des erreurs d’interprétation.

L’huître fraîche, comme un air de grand large

C’est peut-être l’arôme minéral le plus répandu et, paradoxalement, celui qui est le moins souvent nommé, loin derrière le silex ou la pierre à fusil. L’intérieur d’une huître tout juste ouverte est incomparable. On dirait qu’elle a emporté avec elle un peu de l’ambiance olfactive de la mer qui l’a vu naître.

Les notes de minéralité restent énigmatiques. D’où proviennent-elles ? Comment apparaissent-elles ? Pourquoi dans certains vins plutôt que d’autres ? Autant de mystères auxquels les scientifiques apporteront peut-être un jour une explication lumineuse. Toujours est-il que certains vins blancs offrent une note d’intérieur d’huître ou de coquillage, détectables autant dans la jeunesse que dans la maturité. Cette note est plus flagrante dans les vins blancs secs de bonne qualité, élevés sur lies ou non.

L’iode, subtile et forte

C’est une odeur proche de l’huître, du poisson frais ou encore de la fleur de sel.

Un bon moyen de le mémoriser est de goûter un Sencha. Ce thé vert du Japon se prépare avec une eau pas trop chaude, vers 80 °C, pour obtenir le meilleur de ses arômes iodés. Si l’eau est bouillante, vous obtenez une liqueur amère dont les arômes évoquent plutôt l’herbe coupée. Si vous craignez de vous tromper, il existe une recette simple, que m’a préconisée Lydia Gautier, l’une des meilleures spécialistes du thé en France : c’est tout simplement de faire infuser le thé à température ambiante (20 ° à 22 °C) pendant une heure.

Comme toutes les notes minérales, il est difficile de l’associer à une variété en particulier ou à un type de vin mais on la rencontre plus souvent dans des vins à base de riesling, de chardonnay.

L’incontournable pierre à fusil

C’est sans doute l’un des plus anciens de tous les arômes de minéralité. On le voit apparaître, associé à Chablis, dès le XVIIIème siècle. À l’époque, il fallait choquer un éclat de silex contre un briquet pour provoquer une étincelle qui mettait le feu à la poudre d’une arme. On peut imaginer que l’odeur était celle d’un caillou chaud ou de la fumée. Au début du XIXème siècle, André Julien (1766-1832), négociant en vins à Paris et œnologue avant la lettre, attribue cet arôme directement au terroir de Chablis dans son Manuel du sommelier. C’est pour lui un «  goût de terroir ». Deux siècles plus tard, de nouvelles générations d’œnologues identifient une molécule, le benzeneméthanethiol, à l’origine d’une note fumée, particulièrement présente dans les vins de chardonnay. Tiens, tiens, on a déjà vu ça quelque part… Tout n’est pas encore élucidé en matière de minéralité, mais on dirait que la piste de la pierre à fusil s’éclaircit.

La pierre mouillée, c’est vraiment un arôme ?

Une pluie d’été qui tombe sur des pierres chauffées par le soleil de l’après-midi, quelle belle image pour exprimer une tonalité minérale ! La réalité est nettement moins poétique : ce sont les bactéries mortes présentes sur les pierres qui se décomposent sous l’effet de l’eau. C’est l’une des notes minérales les plus fréquentes, dans des vins rouges ou blancs.

La poudre à canon

Pour qui, comme moi, n’a jamais vu de canon que dans des musées, l’odeur de poudre brûlée est un peu vague. On la rencontre dans les vins à base de chardonnay, notamment à Chablis, et de riesling. Elle est en fait très proche de l’odeur de pierre à fusil.

Le silex

Prenez un silex en main : il ne sent rien. En revanche, on a longtemps allumé des armes à feu en frappant un éclat de silex contre un briquet pour faire jaillir une étincelle. D’où l’expression : « l’étincelle qui met le feu aux poudres ». C’est donc un synonyme de pierre à fusil.

Illustration de Marion Vandenbroucke pour L’aromabook du vin.